Titulaire d’un master en droit de l’Homme, spécialisé dans le droit des étrangers, Nathan Palanque a rejoint l’équipe de salariés du Diaconat le 1er juin 2022 après avoir accompli un service civique de 8 mois à l’APARDAP. Après deux belles années, très apprécié autant des bénévoles que des adhérents, Nathan a décidé de partir vers d’autres aventures. Il nous raconte son expérience …
Le sens de mon engagement social : œuvrer pour la dignité des personnes et favoriser leur intégration

Durant mes études, je me suis rendu compte que ce qui m’intéressait surtout dans le droit, c’était le respect de la dignité humaine et l’accès aux droits fondamentaux.
J’ai toujours été très sensible à l’humanitaire, mes parents ont plusieurs fois accueilli des exilés à la maison.
J’ai décidé de travailler sur l’immigration et l’exil, afin de lutter contre la déshumanisation que subissent certaines catégories de migrants, de leur offrir un accueil digne et d’aider à leur intégration.
À l’Échoppe, ma compétence en droit des étrangers m’a permis de répondre aux questions des personnes sur leur régularisation, les aider à prendre les rendez-vous et à remplir les papiers.
Mais je voulais aussi acquérir des compétences en travail social.
Grâce à Nathalie, j’ai appris à conduire un entretien social à la permanence de l’Échoppe du mardi, et à évaluer les dossiers qui parviennent à la commission de l’Entraide : j’ai appris à diagnostiquer les problèmes et progressivement, j’ai pu réaliser les démarches : accès aux droits CAF, aide au budget pour identifier les économies ou dépenses trop élevées, etc. Et surtout, j’ai appris à connaitre tous les partenaires locaux pour orienter efficacement les gens.

J’ai même accompagné physiquement des adhérents, au tribunal avec une association de consommateurs pour une arnaque en ligne, au commissariat pour un dépôt de plainte, à la préfecture pour un titre de séjour ou chez un avocat.
Animation et alimentation : un plat a priori indigeste pour un végétarien qui n’aimait pas cuisiner !
Le volet animation était complètement nouveau pour moi : il fallait préparer des activités et solliciter les adhérents pour qu’ils participent : une démarche difficile au début pour moi qui ne les connaissais pas !
Et restait ensuite à réaliser les activités avec eux : au total, 27 ateliers cuisine, 19 sorties de glanage et cueillette, plusieurs sorties à l’Escale, 7 ateliers « Bon plan de l’échoppe », de multiples rencontres entre salariés, bénévoles et adhérents.
Finalement, j’ai adoré la distribution alimentaire et l’intensité du travail à l’Échoppe, où on est très sollicité, avec beaucoup de relationnel, des liens créés avec les adhérents, notamment la grosse journée du jeudi et les ateliers cuisine.


Ce travail d’animation qui allie le social et l’alimentation n’allait pas de soi car je n’avais aucune expérience dans la distribution alimentaire, et en plus, j’ai un rapport particulier à la nourriture : beaucoup d’aliments ne me conviennent pas, je suis végétarien et je déteste le poisson !
Mais je suis devenu un expert en atelier cuisine ! et en 27 ateliers, nous avons accumulé un formidable ensemble de recettes de tous les pays.
L’écosystème grenoblois de l’économie sociale et solidaire
En se lançant dans ces activités à l’Échoppe, l’équipe a découvert un tissu partenarial foisonnant, tout un réseau qui fonctionne localement dans le domaine social et alimentaire, avec des projets inter associatifs (mois de la transition alimentaire, etc.) avec la Ville, avec Grenoble Alpes Métropole, avec les autres structures et associations. Grâce à notre engagement, le Diaconat est maintenu connu et apprécié dans ce réseau.
Les bénévoles et la démarche participative

Pour ma première réelle expérience professionnelle, travailler principalement avec des bénévoles a été un apport humain très important. Cela crée un environnement de travail très libre pour mettre en place beaucoup de projets et activités.
J’ai eu beaucoup d’autonomie et de liberté d’action et de réflexion, ça m’a beaucoup plu.
Le modèle participatif que nous avons adopté était inédit au Diaconat : pour « faire avec » les personnes, qu’elles soient adhérentes ou bénévoles, le salarié a beau avoir les ressources pour aller vite, il lui faut accepter le temps long de la réflexion collective, il faut être patient, accepter une remise en cause permanente des projets, ne pas arriver avec un truc ficelé, être prêt à le réorienter. Mais une fois décidé collectivement, le projet a l’adhésion de tous les participants.

J’ai aussi découvert le monde protestant, moi qui n’ai eu aucune éducation religieuse et qui suis athée, comme mes parents. J’ai beaucoup apprécié l’absence de prosélytisme et j’ai toujours été respecté dans mon choix. J’ai pu échanger très librement sur la foi avec les bénévoles qui n’hésitaient pas à m’expliquer leur rapport au protestantisme et j’ai appris beaucoup de choses.
Pour moi, le plus important est la manière dont on aide les personnes dans le besoin et non la raison qui nous pousse à le faire.
Les difficultés
Dans une association qui compte près d’une cinquantaine de bénévoles et trois salariés, cela peut être frustrant de travailler avec des personnes qui consacrent moins de temps, ont moins d’énergie et parfois remettent en cause la nouveauté. Eh oui, le fait d’avoir des salariés, ça bouscule le fonctionnement de l’association.
C’est aussi un apprentissage de savoir qu’il y a des temps pour innover, et des temps pour pérenniser les actions et obtenir un relai des bénévoles qui prennent en charge ensuite. Car le souhait, c’est que toutes ces activités puissent être portées par un binôme ou un trinôme adhérent-bénévole-salarié. Il y a encore du travail à faire…
Le travail sur la régularisation des étrangers

Travailler une journée par semaine sur le projet En-Act m’a reconnecté avec le droit des étrangers. J’ai notamment fait les entretiens de suivi avec les travailleurs étrangers qui ont obtenu leur régularisation à la Préfecture par le dispositif En-Act (soutenus par leur employeur), c’était très positif de parler avec ces personnes tirées d’affaire.
C’est une chance de pouvoir les suivre après la régularisation, cela constitue une collecte de données précieuses et rares. J’ai aussi apprécié le temps plus long et la réflexion approfondie inhérents à ce projet En Act.
Cela a permis une réflexion stratégique sur cette expérimentation inédite qui regroupe des acteurs associatifs et économiques face à la Préfecture, et qui a été très perturbée par le contexte politique des derniers mois. Le nombre de dossiers acceptés par la Préfecture est malheureusement en baisse alors que la régularisation par le travail est une solution tant pour le statut des étrangers que pour l’économie locale.
Mon projet
M’installer à Lyon pour travailler dans le droit des étrangers, si possible en alliant le social et le droit. Après sept ans à Grenoble, je me lance un nouveau défi : une autre ville, un autre emploi, de nouvelles relations…
Bonne route, Nathan, et merci pour ton engagement avec nous !
Propos recueillis par Élisabeth Olléon

