Le 19 octobre dernier, le film documentaire « Premier de corvée » était projeté au cinéma Le Club, à l’initiative de Migrants en Isère, collectif d’associations dont fait partie le Diaconat protestant de Grenoble.
Je retiens du film cette parole de Makan : « On n’est pas venu en France pour prendre des photos de la Tour Eiffel mais pour bosser ». Et bosser c’est ce qu’il fait toute la journée en cumulant plusieurs emplois, plongeur dans une brasserie chic près des Champs Élysées et livreur à vélo. Pas d’autres activités que le travail, pas de loisirs, et la nécessité de rester le plus invisible possible car il est sans papiers. Je retiens aussi cette parole d’un de ses employeurs : « S’il n’y avait pas les migrants, je ne sais pas qui prendrait cette place ». Heureusement, soutenu par un syndicat qui l’aide à faire les démarches auprès de la préfecture et de son employeur, Makan finit par obtenir ses papiers. Il se dit alors soulagé du fardeau énorme qu’il portait jusque-là.
Après le film, Serge Slama, professeur de droit public à l’université Grenoble Alpes, nous a expliqué que le seul point positif du projet de loi immigration proposé par M. Darmanin, c’est l’article 3 sur la possibilité de régularisation des sans-papiers dans les métiers dits en tension. Aujourd’hui, il n’est pas certain que l’article 3 soit maintenu car il est fortement combattu par des sénateurs et des députés. La co-réalisatrice, Julia Pascual, nous a donné des éléments sur l’élaboration du film. Elle a insisté sur son souci d’associer Makan à toutes les étapes de la réalisation, il est d’ailleurs co-scénariste.
Enfin, nous avons eu le témoignage d’un jeune migrant, Abdoulaye, en démarche pour obtenir ses papiers avec l’aide de son employeuse dans le bâtiment. Abdoulaye a un savoir-faire, il a fait des stages dans l’entreprise qui l’a formé, il est très apprécié et son employeuse souhaite l’embaucher. Mais cela est impossible pour l’instant car il lui manque les papiers…
Cette soirée a mis en évidence combien l’autorisation de travail est déterminante dans le parcours des personnes migrantes. Sans elle, pas d’insertion dans la vie en France… Mais que de complications et quel parcours du combattant pour des personnes qui ont connu la guerre ou la pauvreté, l’exil, un voyage plein de dangers, et maintenant cumulent des emplois épuisants sans protection ni reconnaissance.
La grande salle du cinéma le Club était pleine, signe que nous sommes nombreux à nous intéresser au sort des migrants et à souhaiter que l’État français permette la régularisation de ces travailleurs de l’ombre.
Patrick Astier, représentant du Diaconat au collectif Migrants en Isère