Pension, allocation, retraite, quand tout se bloque… Le témoignage de Martine

Comment peut-on tomber soudainement dans la précarité ? Comment s’en sortir ? Nous commençons ici une série de témoignages de personnes qui sont passées par l’Échoppe et qui nous ont raconté leur histoire.

« Quand on est pauvre, on est indigne »  disait l’acteur Jean Yanne. La définition du mot digne est la suivante : « Adj (lat. dignus) : qui mérite, soit en bien, soit en mal. Digne de récompense. Personne digne, qui a le respect de soi-même ». Définition de la dignité :  » n.f (lat. dignitas) : Respect que mérite quelqu’un ou quelque chose, dignité de la personne humaine ».

Lorsque nous sommes démunis et que la situation financière est bloquée, alors là nous perdons en dignité. Je vais vous raconter brièvement ce qui m’est arrivé.

Une vie accidentée

Je suis née en 1959. J’ai travaillé dans divers emplois, principalement dans le secrétariat. Puis, à la suite de deux fractures avec complications de santé sur plusieurs années, j’ai obtenu une invalidité catégorie 1 qui me permettait de travailler à mi-temps tout en touchant une petite allocation. Mais l’état de santé de ma mère, qui était veuve, a commencé à se dégrader à ce moment-là et j’ai dû m’occuper beaucoup d’elle.

J’ai perdu ma mère le 4 décembre 2019 et il a fallu faire face à toutes les situations. Orpheline et seule, la tâche n’a pas été simple pour moi car il a fallu liquider la retraite de ma mère et la succession, avec en plus les charges. Et le plus dur, me séparer des meubles et surtout de son lieu de vie qui était pour moi un endroit de ressourcement et un point d’ancrage. Comment faire face à cette double disparition ?

Les arcanes des caisses de retraite

En octobre 2020, trois mois avant mon 62e anniversaire, j’ai reçu un courrier de la CARSAT qui me demandait de prendre une décision par rapport à ma retraite avant mes 62 ans. J’ai répondu par lettre recommandée avec accusé de réception que c’était trop tôt car il me manquait des trimestres pour pouvoir partir à taux plein. En fait, j’avais bien compris qu’il fallait que je continue de travailler pour prétendre à une pension de retraite relativement décente…

Le 2 décembre 2020, une responsable de la CARSAT a répondu à mon courrier. Elle m’informait qu’il y avait une loi concernant l’invalidité catégorie 1 et que dans ce cas-là, il valait mieux travailler jusqu’à l’âge de 62 ans ou au maximum jusqu’à 67 ans. Elle m’a également informé que si on n’a pas trouvé de travail un mois avant les 62 ans, si on n’a pas de CDD ou de CDI, alors on est mis systématiquement à la retraite. L’idéal aurait été d’avoir un CDI jusqu’à l’âge de 67 ans, à condition qu’il n’y ait pas d’interruption de travail pendant 5 ans.

Sans ressources !

J’ai été secouée par cette nouvelle parce que je n’avais jamais été informée de ce règlement et je pensais pouvoir travailler plus longtemps.

Et de fait, bien qu’inscrite à Pôle Emploi, je me suis retrouvée totalement sans ressources le jour de mes 62 ans ! La CARSAT avait bloqué mon allocation d’invalidité et refusait de payer ma retraite tant que je ne l’acceptais pas formellement. Et de plus, je ne pouvais plus percevoir l’allocation de Solidarité (ASS) car il aurait fallu une attestation de la CARSAT ! Triple peine !

Le 15 juin 2021, j’ai écrit une lettre recommandée à la CARSAT de Lyon pour annoncer que, étant complétement démunie, coincée sur le plan administratif, j’avais décidé de prendre ma retraite.

Ayant puisé dans mes économies depuis février, je me suis retrouvée pour la première fois de ma vie à découvert sur mon compte bancaire.

Je n’avais plus de quoi me nourrir !

Sauvée par l’Échoppe

Fin juillet 2021, en passant devant la porte de l’Échoppe, où je croyais qu’on n’aidait que les musulmans puisqu’il y avait le panneau de l’Association humanitaire musulmane, j’ai vu sortir une jeune maman européenne avec sa fille. C’est alors que je lui ai demandé si c’était possible de demander une aide alimentaire. Elle m’a répondu : « Oui, vous pouvez y aller ».

J’ai frappé à la porte de l’Échoppe, c’était un mardi, jour des inscriptions, et c’est Nathalie, salariée récemment recrutée par le Diaconat, qui m’a accueillie. Elle n’a pas perdu son temps et a aussitôt regardé mon dossier social pour voir quelles démarches faire pour me dépanner, et elle m’a donné quelques victuailles pour me nourrir.

C’est ainsi que l’Échoppe m’a permis de survivre en attendant de pouvoir enfin toucher ma petite retraite ! Et c’est l’accompagnement social reçu à l’Échoppe qui a permis de faire accélérer le versement de ma pension et de me redonner une autonomie financière quelques mois plus tard.

Recréer du lien

En plus, à l’Échoppe, Nathalie m’a proposé de participer à l’activité de l’Escale, un lieu d’accueil créé en octobre 2019 au centre œcuménique Saint-Marc. Je suis devenue une habituée de l’Escale. Et oui, l’alimentation, c’est bien, mais cela ne suffit pas, lorsqu’on est démuni, confronté à la solitude (décès de mon ex-mari le 8 avril 2021). Je n’avais plus d’interlocuteur de confiance, alors c’était la confrontation au vide.

Comment remplir ce vide ? Il y a cette porte ouverte, la rencontre, les rencontres. Ces échanges avec les bénévoles et les participants de cette association m’ont permis de dialoguer, de marquer une pause, à chaque fois, pour me ressourcer, et repartir avec cette nourriture pour me donner du courage, aller de l’avant, relever les défis du quotidien. Je crois que cette nourriture-là est indispensable pour l’intégration sociale, vecteur de l’intégration professionnelle aussi.

Pour conclure : l’union fait la force, l’entraide favorise le bien-être individuel et collectif. Œuvrons dans ce sens-là pour favoriser la paix dans ce monde ici-bas.

Martine, 26 septembre 2023

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